Les routes migratoires vers l’Europe se ferment les unes après les autres. Barrières des enclaves espagnoles en terre marocaine. Accord entre l’Europe et la Turquie. Fermeture des frontières des voisins de la Grèce. Barbelés en Hongrie, Macédoine, Bulgarie. Une seule route reste « ouverte » : la plus dangereuse, la plus longue, celle dite du Canal de Sicile, en Méditerranée. Les migrants embarquent sur des plages de Libye, parfois d’Égypte, espérant rejoindre l’Italie. Selon l’Office International pour les Migrations (OIM), 2 765 personnes au moins se sont noyées entre le 1er janvier et le 15 septembre 2016. D’autres, sans doute, avalés par la Méditerranée, resteront à jamais inconnus. Au cours de la même période, 129 126 personnes ont été́ sauvées et ont débarqué́ en Italie. Les embarcations sont des canots pneumatiques blancs de 10 mètres de long. Fragiles, elles ne tiennent pas la mer, ploient sous le nombre de passagers –120, 130 – se cassent par le milieu. Les migrants partent sans eau et sans nourriture avec quelques bidons d’essence et souvent un téléphone portable pour appeler les secours. Ils n’ont aucune chance d’atteindre Lampedusa par leurs propres moyens. L’opération militaire européenne Sophia, lancée en juin 2015, vise à surveiller et identifier les canots. Les navires engagés sauvent des vies, même si ce n’est pas leur mission première. Parallèlement, des ONG ont affrété́ leurs propres bateaux. Dont l’unique mission est de secourir les naufragés.
Les photographies présentées ont été prises par Edouard Elias et recueillies à bord d’un de ces navires, l’Aquarius, affrété par SOS Méditerranée en mars et avril 2016.
Edouard Elias a grandi une partie de son enfance en Égypte avant de rentrer en France pour sa scolarité. Éduqué dans les documents et témoignages d'histoire par ses grands-parents, il quitte l’école de commerce ou il avait étudié pour se lancer dans la photographie en espérant devenir photo-journaliste. L’été 2012, parti pour photographier les réfugiés Syrien en Turquie, il accepte de partir avec d’autres journalistes à Alep, pendant l’offensive des rebelles pour capturer la ville. Ses images seront repérées au festival de Visa Pour L’image, le photographe Patrick Chauvel l’aidera à vendre son premier sujet. Depuis, il continue à photographier pour la presse mais aussi à fin d’exposition du travail. Ses principaux travaux jusqu’à aujourd’hui sont la Syrie (2012-2013), La Légion étrangère (Centrafrique 2014- Nimes 2015), la crise des migrants en Méditerranée (2016) et les pompiers de Mossul (2017). La temporalité de ses sujets évolue avec le temps, le cadrage, la composition, l’outil photographique aussi, lui permettent d’explorer d’autres façons de raconter comment l’Homme est confronté à son environnement par l’isolement, la guerre, ou la souffrance.