En quelques mots...
Vingt ans après la chute du mur de Berlin, où en sommes-nous ? De nouveaux processus se sont substitués au totalitarisme pour surveiller, manipuler, séquestrer des libertés, mettre des opinions en camisole et ralentir les dynamiques démocratiques. D'autres murs, matériels, économiques ou symboliques, s'érigent entre les peuples, les cultures et les individus. Inspirés par la peur, les murs sont des solutions de facilité, souvent illusoires, qui coupent court au débat, à la réflexion et à la créativité. Et si la vraie sécurité était dans l'ouverture démocratique, le dialogue et la coopération ?
C'est ainsi que le Festival des Libertés 2009 invite à créer des brèches dans les murs pour établir des ponts et des passerelles.
En quelques mots de plus ...
En continuité avec les précédentes, l'édition 2009 du Festival des Libertés entend témoigner de l'état préoccupant des relations et des rapports culturels et sociaux entre les individus, les communautés, les groupes sociaux et les pouvoirs ou mandataires publics ainsi qu'entre les peuples, les cultures et les Etats. Il veut manifester, par voie de conséquence, l'inquiétude que lui inspirent leurs difficultés sans cesse croissantes à mettre en perspective leurs tensions et à s'engager dans une dynamique d'ouverture et de coopération.
Cette préoccupation, le Festival des Libertés 2009, la relaie et l'illustre à travers la thématique des murs, pour porter l'éclairage et la réflexion sur des phénomènes de peur, d'enfermement et de repli politiques, sociaux et culturels de plus en plus en vogue dans nos sociétés et dans le monde, et très souvent, en porte à faux avec le respect des Droits de l'Homme, des libertés et des valeurs démocratiques.
Le choix du thème s'ancre dans le calendrier historique. En novembre 2009, il y aura vingt ans que le mur de Berlin s'est écroulé, ouvrant alors une brèche dans un univers clos et faisant souffler un vent d'émancipation, de libertés et de démocratisation dans une Europe de l'Est protégée par l'hermétisme idéologique d'un rideau de fer, derrière lequel se perpétrait la dictature. Ce mur a fracturé le monde pendant près de trente ans. Mais il l'a également structuré. L'équilibre international était plus ou moins stabilisé grâce à ce mur de la guerre froide, chaque nation se positionnant dans un camp ou l'autre (à l'exception de quelques grandes puissances neutre). Ce mur semblait aussi instaurer un certain équilibre social, figé par le totalitarisme à l'Est, pacifié et permettant des avancées sociales à l'Ouest par crainte de la contagion révolutionnaire ou de la menace soviétique.
Qu'en est-il aujourd'hui ? La liberté, la paix et la démocratie ont-elles triomphées dans un monde unifié ? Nous sommes loin de pouvoir nous en réjouir. Les peuples libérés du totalitarisme ont affronté d'autres difficultés : inégalités, précarité, populisme, guerres civiles,... De manière générale, les libertés et la démocratie ne se portent pas bien sur l'ensemble de la planète. D'autres formes d'aliénation, de manipulation des libertés, de surveillance, de mise en camisole des opinions non-conformistes se développent plus subtilement que le totalitarisme.
Bien que d'aucuns proclament « la fin de l'histoire » et des idéologies au profit de ce que d'autres qualifient de « pensée unique », le monde connaît d'autres lignes de fracture et de division. D'autres murs ont persisté ou se sont construits après la fin de la guerre froide. Ce sont ces murs, récents ou ancestraux, et les multiples formes qu'ils prennent actuellement que souhaite interroger le Festival des Libertés 2009.
Les murs peuvent être très matériels : celui qui sépare palestiniens et israéliens, deux peuples sur un même territoire ; celui qui tient à distance les riches nord-américains des pauvres mexicains ; celui qui divise le Sahara ; ceux qui encerclent les favelas ;... et en Europe démocratique, ceux qui érigent une « forteresse » et enferment au nom du protectionnisme économique et de la sécurité publique, des hommes et des femmes dont le seul crime est de vouloir fuir la pauvreté et la misère ? Les murs des prisons et d'autres formes d'enfermements sécuritaires, voire arbitraires, nous interpellent également. Les murs peuvent aussi être économiques : le plus célèbre d'entre eux ne s'appelle-t-il pas « Wall Street » qui s'écroula il y aura exactement 80 ans en octobre. Aujourd'hui, la prolifération de nouvelles technologies de surveillance (alarmes, caméra, barrières électroniques,...) vise, entre autre, à tracer des délimitations subtiles au sein de la population en fonction des pouvoirs d'achat.
Des murs plus abstraits ou symboliques délimitent des frontières hermétiques entre les quartiers de nos villes et les groupes sociaux (pauvres/riches, jeunes/vieux, étrangers/nationaux,...) ou plus généralement s'incarnent dans des pratiques symboliques ou effectives d'exclusion de l'autre ou des autres, parce qu'on les estime être des menaces pour l'ordre et la sécurité publics, l'identité, la croyance, la culture, la classe sociale, la religion ou la communauté à laquelle on appartient et dont on se définit défenseur et dépositaire des valeurs. Car les murs peuvent aussi s'introduire dans nos esprits quand ils nous enferment dans des préjugés ou des replis sur nos certitudes. Ils entravent alors l'exercice du libre examen.
Autant de murs qu'on nous impose au nom de l'intérêt général ou que l'on construit soi-même pour marquer son territoire identitaire et sa différence. Qu'ils soient matériels ou symboliques, les murs expriment ou cristallisent des évolutions complexes, des logiques voire une culture d'enfermement et de séparation - d'emmurement - qui battent en brèches nos idéaux, nos principes et nos actions et que nous avons déjà dénoncées à maintes reprises.
Quelle est leur raison d'être véritable ? Nous protéger ou nous enfermer ? Se sent-on protégé derrière un mur ? Les murs n'ont-ils pas tendance à nous inquiéter, à attiser tous les fantasmes sur l'hypothétique menace qui se trouverait de l'autre côté et que l'on ne voit plus ? Ne se construisent-ils pas sur une peur qu'ils renforcent au lieu de l'apaiser ? D'où vient cette obsession croissante de la protection ? Et finalement de qui ou de quoi faut-il se protéger ?
A-t-on besoin de murs pour se structurer, marquer ses territoires (physiques et symboliques), se construire une identité par mise à distance de l'autre ? Car si les murs séparent, ils peuvent aussi rassembler, fédérer derrière eux. Mais un groupe ne peut-il se définir et se souder que par opposition avec ce qui lui est extérieur ? Ces logiques de séparation n'ont-elles pas tendance à simplifier les situations de manière binaire et à radicaliser les positions qui se trouvent de part et d'autre d'un mur ? Comment créer une cohésion, un « nous » qui ne fonctionne pas par démarcation, par délimitation de « eux » et « nous » ?
Change-t-on sa réalité, retranché derrière un mur ? Souvent, le mur représente moins une solution qu'une capitulation. Un aveu d'impuissance et de désespérance (un mur de « lamentation »...) ? Une limitation des perspectives et du champ d'action ? N'est-ce pas là une politique de l'autruche ? Le mur ne constitue-t-il pas une réponse simpliste et facile qui - telles certaines interdictions - coupe court au débat et empêche la recherche d'alternative constructive ?
A travers tous ces questionnements, il n'est pas question d'abattre tous les murs mais de dénoncer les logiques d'enfermements et de séparation comme autant d'entraves au libre examen, à la cohésion sociale, l'interculturalité, la culture démocratique et la construction d'une société plus juste. Une dénonciation qui, comme chaque année, ne va pas sans une invitation à rechercher des alternatives d'ouvertures et de construction commune. Par sa forme déjà, le Festival des Libertés substituera aux divisions, cloisonnements, peurs et replis sur soi, une dynamique de convivialité, de métissage, de rencontre, de dialogue, de débat, de créativité (« résister, c'est créer »). Il s'agit moins d'abattre les murs que de créer des brèches, des échelles ou des passerelles, avec la conviction que de l'autre côté du mur se trouve moins l'obscurité du danger, de l'inconnu, du néant que la lumière de l'espoir, de la nouveauté, de la diversité, de la liberté.
Et si la vraie sécurité était dans l'ouverture démocratique, le dialogue et la coopération avec l'autre ? Persuadé de cette alternative, le Festival des Libertés 2009 invite chacune et chacun à faire tomber « ses murs », c'est-à-dire, ses préjugés, ses obsessions sécuritaires, ses peurs et ses inquiétudes, pour rendre possible la rencontre avec l'autre et la construction durable de liens authentiques de solidarité, de communication pacifique et de coopération active pour mieux vivre ensemble dans une société plus juste.
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